Le suicide est l’acte le plus violent qu’une personne puisse s’infliger. En plus d’être irréversible, ce geste a des conséquences considérables pour la personne qui l’exécute et pour ceux qui restent. On comprend mal ce qui peut pousser des personnes à s’enlever la vie. Pourtant, toutes les 40 secondes, une personne met fin à ses jours. Cet article vise à expliquer le raisonnement qui peut mener une personne à contempler le suicide. Il porte aussi le regard sur un sombre épisode biblique de la vie de Moïse et propose quelques pistes de soutien à l’entourage de ceux qui ont des idées suicidaires.
Dernièrement je me suis entretenue avec une amie qui avait commis une tentative de suicide au cours de l’automne 2021. Nul besoin de vous expliquer la surprise et la douleur qui m’ont envahi lorsqu’elle m’a confié ce qui n’était désormais plus un secret. Après avoir été hospitalisée de nombreux jours, sa famille et ses proches ont été informées de ce qui s’était passé, et ce, malgré la gène qu’elle éprouvait face à ce geste désespéré. Aujourd’hui encore, en partageant son histoire avec moi, elle ne parvenait pas à prononcer les mots « tentative de suicide ».
Le suicide : un acte irrationnel et illogique ?
Le suicide est un acte d’agression perpétré contre soi et, par ricochet, contre ses proches. Étant donné la violence de cette action, on peut se demander ce qui peut pousser une personne à vouloir s’enlever la vie. J’ai entendu des personnes exprimer, de manière détachée, que le suicide était un signe de lâcheté, de faiblesse, ou même d’égoïsme. D’autres le perçoivent comme un geste impulsif, dénué de logique ou de rationalité. Je me rappelle avoir moi-même proféré ce genre de jugement envers ceux qui avaient essayé ou qui étaient passés à l’acte. Or, lorsque j’ai été aux prises avec de sérieux troubles dépressifs, je me suis certes sentie lâche et faible, cependant, je ne crois pas avoir été illogique ou irrationnelle. Mon amie non plus ne voyait pas une action dépourvue de sens dans sa tentative. Non, les personnes qui en arrivent à poser ce geste ne sont, pour la plupart, ni l’un, ni l’autre. Ce cri de désespoir qui émane souvent de souffrances insurmontables n’est pas non plus la preuve d’un manque de résilience ou de persévérance dans l’adversité.
L’enfoncement qui pousse à la dépression et au suicide
Je me souviendrai toujours d’une des premières choses que mon thérapeute m’ait dites lors de nos séances :
La dépression survient à force de courage, lorsqu’on a été fort trop longtemps.
Mon psychothérapeute
C’est donc l’usure qui nous fait craquer, pas la pression.
Pour m’amuser, j’ai consulté l’étymologie des mots « pression » et « dépression » :






À force d’être pressé, on est enfoncé jusqu’à en être déprimé. L’un des symptômes de la dépression est les pensées suicidaires. Pas étonnant que 67 % des proches aidants souffrent de dépression.



Les faux raisonnements qui mènent au suicide
Lorsque les pensées suicidaires surgissent, le raisonnement de la personne atteinte est noirci par la souffrance. De plus, sa perception des circonstances, de son entourage et du monde est elle aussi embrouillée par la souffrance et par la maladie. Dans l’article Déchéance, je témoigne du brouillard et des troubles cognitifs qui m’envahissaient au moment où j’avais atteint le creux de la dépression. Quand les idées noires tournent en boucle dans la tête et que nous ne parvenons plus à trier le vrai du faux, le raisonnement et la perception sont obscurcis.
Par exemple, lorsqu’on a la grippe, nos pensées sont souvent embrouillées et on peut éprouver de la difficulté à trier le flot d’informations que notre entourage nous transmet. Toutefois, notre état ne nous empêche pas pour autant de faire preuve de rationalité bien que nous puissions être moins efficaces dans la résolution de problèmes complexes. Ainsi, notre état nous pousse à adopter des raccourcis cognitifs, qui, en retour, augmentent la possibilité de commettre des erreurs de raisonnement. C’est à peu près ce qui se produit dans la tête de certaines personnes qui contemplent le suicide. Elles prennent des raccourcis logiques pour mettre fin à une situation jugée sans issue. Ce qui peut sembler être un bon calcul est en fait le produit d’un mauvais raisonnement.
Prenons une illustration plus concrète (vidéo Tik Tok @energie94.3).
En fin d’année, ma sœur a partagé cette vidéo de Tik Tok produite par l’équipe de la Radio Énergie 94,3 où l’animateur présente un problème mathématique qui semble insolvable. À première vue, tout semble juste au niveau des chiffres et des calculs exposés. Toutefois, lorsqu’on revient à la base du raisonnement, on comprend rapidement le problème.
Le bon raisonnement appliqué au problème (en vidéo).
Une fois le bon raisonnement appliqué, on parvient au résultat attendu, le bon cette fois-ci.
Lorsqu’on transpose cette illustration aux pensées suicidaires, on obtient ceci :
Les faits et les événements sont les chiffres et les émotions sont les opérations appliquées à ceux-ci. Les faits et les événements sont réels. Les émotions ressenties sont valides aux vues des circonstances et de l’intégrité de la personne qui les vit. Mais lorsqu’on applique un mauvais raisonnement, le résultat de nos calculs est erroné. C’est pour cette raison qu’il apparait logique pour une personne souffrante de mettre fin à ses jours. Les circonstances qui entourent sa douleur sont réelles. Le désespoir, la peur, la solitude et toute la panoplie d’émotions qu’elle peut ressentir sont aussi valides. Mais, si elle emprunte un raccourci en se disant qu’il aurait mieux valu qu’elle ne soit jamais venue au monde sans prendre en considération tous les autres facteurs non négligeables de son existence, son raisonnement la mène vers de mauvaises conclusions.
Les pensées suicidaires émergent donc d’un faux raisonnement. Ce qui semble être la solution logique et hors de tout doute émane en fait d’une réflexion altérée par la douleur. C’est la maladie mentale, la dépression, l’anxiété généralisée, la psychose ou la souffrance physique intense qui peuvent induire cette erreur monumentale. En effet, lorsque j’étais submergée par la peine et que mon esprit était agité, je cherchais désespérément à organiser le chaos de ma vie en mettant de l’ordre dans l’agitation de mes pensées. Or, ma souffrance amplifiait l’agitation et les idées noires, ce qui m’amenait à prendre des raccourcis qui m’aidaient à trouver du sens dans mon dans le désordre de mon esprit. La honte, le déshonneur, le profond désespoir, la solitude, l’aliénation, et l’orgueil peuvent aussi devenir des terreaux fertiles à ses pulsions suicidaires.
Le raisonnement de Moïse qui entraîna des idées suicidaires
Nous tirons un poignant exemple de mauvais raisonnements qui sont survenus lors d’une épreuve dans le livre des Nombres au chapitre 11. Nous lisons dans ce chapitre le profond désespoir de Moïse face à un peuple rempli d’amertume.
Ses chiffres (les faits) : Moïse est face à 600 000 hommes hébreux, en plus de leurs femmes et de leurs enfants, brisés par l’esclavage en Égypte de 400 ans. Ils se plaignent vigoureusement des conditions difficiles de leur exil et l’accusent d’avoir empiré leur situation. Nb 11 : 4-11
Ses opérations (ses émotions) : Moïse semble éprouver un profond sentiment d’injustice, d’incompréhension face à la situation, d’isolation, de gêne face au peuple, de désespoir, de fatigue, d’exaspération, d’accablement, d’être pris pour cible et de confusion. Il est submergé et dépassé par les événements. Nb 11 : 10-15
Son calcul (sa perception) : On utilise les opérations mathématiques comme l’addition, la soustraction, la multiplication et la division pour effectuer des calculs. Moïse perçoit (il effectue le calcul que…) que Dieu est distant ou étranger à son malheur. Il pense que Dieu est contre lui et que c’est Dieu qui l’accable du poids de cette responsabilité. Moïse interprète mal la colère de Dieu face à l’attitude d’Israël (Nb 11 : 10 b).
Le résultat (sa solution) de l’équation : Moïse souhaite que Dieu mette fin à ses jours. Nb 11 : 15
Son raisonnement : Moïse parvient à ce résultat en étant convaincu que Dieu l’a abandonné et qu’Il s’est positionné contre lui. Selon ses calculs, il n’y a plus de raisons de continuer à supporter l’injustice de la situation dans laquelle il se trouve prisonnier.
Réponse de Dieu face à la demande de Moïse
Étrangement, Dieu n’a pas cherché à corriger le raisonnement ni la perception de Moïse dans cette situation. De même, lorsqu’Élie demande également à Dieu de lui prendre la vie (1 R 19 : 4), Dieu ne raisonne pas avec son prophète. Il lui accorde la provision et le repos pour son corps. Dans le cas de Moïse, il lui apporte l’aide supplémentaire dont il a besoin pour faire face à ses responsabilités. Dans les deux cas, Dieu répond aux besoins de ses serviteurs.
L’intervention de Dieu auprès de Moïse
Des professionnels formés pour intervenir auprès des personnes suicidaires savent comment leur parler afin de les permettre de reculer dans leur plan. Tenter d’intervenir par soi-même peut être hasardeux, car la façon dont vous tenterez de raisonner une personne suicidaire pourrait la pousser dans ses retranchements. En effet, lorsque les émotions sont à leur comble et que nous sommes plongés dans l’obscurité, la lumière qu’on braque sur notre visage agresse les yeux habitués par les ténèbres. On cherche donc à l’éviter. Dieu savait que de reprendre Moïse et Élie dans leur raisonnement n’était pas la solution à adopter. Dans Sa miséricorde, Il préfère endosser le blâme proféré contre lui par ses serviteurs plutôt que de les gronder ou de sévir. Il sait de quoi nous sommes formés. Il se souvient que nous sommes poussières (Ps 103 : 14).
Comment intervenir auprès de nos proches dépressifs ou suicidaires ?
Contrairement à Dieu, nous ne sommes pas nécessairement en mesure de répondre exactement aux besoins d’une personne en souffrance. Nous n’avons pas la capacité d’apporter des solutions aux problèmes de chaque individu. Toutefois, il est toujours possible de dissuader une personne de passer à l’acte. Tendre l’oreille, donner la main et offrir une présence s’avèrent être de bonnes stratégies pour soutenir ces personnes. Vous pouvez aussi la rassurer en réaffirmant votre engagement envers elle, en lui disant qu’elle a de la valeur à vos yeux et aux yeux de son entourage. Bien entendu, vous pouvez aussi offrir de prier avec elle. Le Saint-Esprit guidera votre prière et vos paroles. Dans tous les cas, faites preuve d’une grande bienveillance et d’accueil. En tout temps, si vous ou l’un de vos proches envisagez le suicide, faites appel à de l’aide professionnelle. Une personne suicidaire devrait être suivie par un professionnel de la santé. Encouragez votre proche à consulter un médecin ou un thérapeute rapidement.
Pour plus d’informations sur les ressources d’aides aux personnes suicidaires
1-866-APPELLE (1-866-277-3553)
Pour de l’aide thérapeutique, référez-vous à la page Soignants de notre site web.


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