Nous abordons en deuxième partie de la série « Combattre, fuir, ou figer » la réponse de la fuite. Dans ce texte, nous étudierons les aspects spirituels de la fuite en nous basant sur les histoires d’Agar et de la femme Samaritaine. Ces femmes qui fuyaient des relations conjugales et familiales complexes ont été vues, entendues et connues de Dieu alors qu’elles se trouvaient au bord d’un puits, au milieu de leur détresse.
- Les puits des remises en cause et de la fuite
- Fuir : d’où viens-tu et où vas-tu ?
- Cesse de fuir : retourne et humilie-toi
- Le puits, lieu des révélations pendant la fuite
- Le puits, lieu des rencontres pendant la fuite
- Des relations malsaines et des vies brisées
- Le puits, lieu de restauration pendant la fuite
- Plus besoin de fuir lorsque nous sommes entendues, vues et connues de Dieu
- Récapitulatif de la deuxième partie et contexte d’application
- Références
- Journée internationale de la femme 2022
Les puits des remises en cause et de la fuite
Avez-vous vu la « Source des femmes » ? Ce film réalisé par Radu Mihaileanu décrit la révolte d’un groupe de femmes d’un village montagnard du Maghreb qui souhaite obtenir de meilleures conditions concernant la tâche périlleuse d’aller chercher de l’eau au puits.
Les choses n’ont pas beaucoup évolué depuis l’époque de l’Ancien et du Nouveau Testament. Aujourd’hui encore, c’est majoritairement aux jeunes femmes qu’incombe la rude tâche de chercher de l’eau au puits. Lors de mon voyage au Maroc, il y a quelques années, ma mère et moi avions séjourné peu de temps dans une famille qui vivait dans l’Atlas. Les femmes devaient s’occuper des tâches domestiques, des enfants et de rapporter de l’eau du puits pendant que les hommes pratiquaient du commerce au pied de la Montagne dans le village voisin. Pour nous, occidentaux, ses rôles de genre peuvent paraître archaïques et même abusifs. Pourtant, cette division des tâches maintient l’ordre et la stabilité de ces communautés depuis des siècles.
Cependant, nous devons admettre que les conséquences de la désobéissance originelle (Gn 3) ont produit un déséquilibre flagrant dans les relations entre les hommes et les femmes. Les violences, les abus sexuels et psychologiques faits aux femmes sont monnaie courante, sans compter les manipulations, les duperies, les mensonges, le mépris et les trahisons qui minent considérablement le bon fonctionnement des couples et des familles. Certaines femmes, comme Agar, parviennent à s’échapper. D’autres, comme la Samaritaine, choisissent de demeurer dans leurs conditions en évitant les regards, les ragots, et les jugements. Or, c’est près d’un puits que les yeux s’ouvrent, que les cœurs sont consolés et que la vie bascule grâce à des rencontres déterminantes qu’y tiendront.



Fuir : d’où viens-tu et où vas-tu ?
L’ange de l’Éternel la rencontra près d’une source d’eau dans le désert, celle qui se trouve sur le chemin de Shur.Il lui demanda : Agar, servante de Saraï, d’où viens-tu et où vas-tu ?
Genèse 16 :7-8b BDS
La route fut longue et exténuante depuis Mamré jusqu’à la source d’eau où Agar fit la rencontre de l’ange de l’Éternel sur le chemin de Shur. En effet, on peut calculer à peu près 100 km à vol d’oiseau entre la maison d’Abraham et Qadesh Barnea où se situe approximativement le puits du rendez-vous. Pour les Québécois.e.s, 100 km c’est environ la distance entre Montréal et Plattsburgh. Enceinte de plusieurs mois, Agar avait parcouru, sous un soleil de plomb, cette pénible route en dénivelé sur la voie qui la ramènerait en Égypte. Dans ces conditions, elle a dû mettre au moins une journée et demie de marche sans se reposer pour parvenir aussi loin. De plus, elle avait probablement peu mangé et l’angoisse d’être rattrapée par sa tortionnaire s’additionnait à sa détresse. Quoiqu’il en soit, c’est à une femme en sanglot, accablée par la fatigue, la soif et la maltraitance que Dieu s’adresse dans le désert lorsqu’il lui demande « D’où viens-tu et où vas-tu ? » (Gn 16:8a).
En fait, nous devrions comprendre la question posée par l’ange de l’Éternel à Agar ainsi : « Qu’est-ce qui t’a amené jusqu’ici et où comptes-tu aller maintenant ? ».
Les mécanismes de la fuite
Qu’est-ce qui pousse une personne à fuir ses relations : sa famille, ses enfants, son conjoint, ses amis proches, son assemblée et même son lieu de travail ? Agar ne répond pas à la question. Elle n’explique pas l’engrenage dans lequel elle s’est trouvée lorsqu’elle est devenue la concubine du mari de sa maîtresse. Elle ne mentionne pas la satisfaction qu’elle a ressentie en apprenant sa grossesse. Ni sa joie à la perspective d’être peut-être élevée au rang de seconde épouse. Elle a peut-être même oublié le dédain dont elle a fait preuve envers sa maîtresse au fur et à mesure où son ventre s’arrondissait. Mépris qui lui a valu toutes les foudres de sa maîtresse… Elle ne donne en fait aucun des détails qui entourent les circonstances de sa fuite. Elle se contente de lui dire : « Je m’enfuis de chez Saraï, ma maîtresse » (Gn 16:8b).
Se sauver de l’oppression d’accord, mais pour aller où ? Le chemin de Shur était anciennement une artère de communication majeure pour le commerce caravanier entre l’Égypte et les points de l’Est. Elle servait, entre autres, de transit entre l’Égypte ancienne et Canaan à travers la péninsule du Sinaï et du désert de Shur. C’est donc qu’Agar se trouvait sur le trajet vers sa terre natale, l’Égypte. Mais pas seulement, le chemin de Shur mène également vers Mara, la source de l’amertume. C’est là où les Israélites trouvèrent une fontaine d’eau amère lors de leur exode (Ex 15:22-23).
Par souci de préservation, pour sa survie et celle de son enfant, Agar fuit une situation scabreuse pour s’engouffrer dans un contexte tout aussi douloureux. Ayant été vendue comme esclave, elle devait provenir d’un milieu peu nanti ou être une orpheline, sans famille. On avait peut-être marchandé sa vie pour quelques sous, comme un bien meuble, ou un poids dont on devait se défaire. Bientôt mère-fille célibataire, que pouvait-elle espérer d’un pays qui l’avait autrefois rejeté ? De l’amertume probablement.
Cesse de fuir : retourne et humilie-toi
L’ange de l’Éternel lui dit : « Retourne auprès de ta maîtresse et humilie-toi devant elle ».
Genèse 16 : 9 BDS
L’Éternel fait comprendre à Agar qu’il n’y a rien pour elle sur le sentier qu’elle était en train de parcourir et que sa place était, pour le moment, auprès de sa maîtresse. Ainsi, Dieu la met face à ses responsabilités. Elle doit affronter la situation et subir les conséquences de ses actions… et de celles de ses maîtres. En d’autres termes, Dieu lui demande d’être courageuse, de rebrousser chemin et de reprendre son poste de servante aux côtés de Sarah sa maîtresse.
À ce sujet, Paul nous exhorte dans le même sens en écrivant : « Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir d’une gloire sans valeur, mais avec humilité considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de regarder à ses propres intérêts, regarde aussi à ceux des autres » (Phi 2:3-4). En méprisant sa maîtresse, Agar avait manqué de solidarité féminine. En effet, nous pouvons être choqué.e.s face aux coutumes de l’époque qui admettaient non seulement le trafic humain, mais aussi la « location » de l’utérus des servantes pour concevoir des enfants à soi. Toutefois, ce n’était pas par gaieté de cœur que Sarah s’était résolue à agir ainsi. Agar ne s’était pas souciée de la honte et du déchirement de Sarah ni de la peine qu’elle avait eus lorsqu’elle la poussa dans les bras de son mari afin d’obtenir une descendance par ses entrailles. Elle avait manqué d’empathie face au geste désespéré de sa maîtresse. Dieu suscite donc sa compassion en lui demandant d’opérer un demi-tour et de s’humilier devant Sarah pour au moins essayer de rétablir le bon ordre de la relation entre la servante et sa maîtresse.
Est-ce mauvais de fuir ?
La fuite est une des réponses automatiques de gestion du stress qui vise principalement à se préserver du danger ou de la souffrance. Cette réponse a été développée par nos organismes dans le but de favoriser la survie des espèces comme une façon plus économique que le combat, surtout dans le cas où notre assaillant serait plus fort que nous. En somme, fuir n’est pas mauvais.
Dans la Bible, David va fuir Saul jusqu’aux pays des Philistins (1S 27-28). De plus, Dieu prévient Joseph qu’il doit fuir avec Marie et Jésus en Égypte afin d’échapper à l’épée de Hérode (Mt 2:13-15). Ainsi, ce qui est néfaste, c’est le fait d’enclencher ce comportement de façon systématique, toutes les fois où une circonstance est jugée menaçante ou indésirable. Comme l’Éternel l’a fait valoir à Agar, il faut aussi savoir faire face aux conséquences de ses décisions. Ce faisant, nous développons de la résilience en apprenant à nous battre, même lorsque combattre est beaucoup plus onéreux en investissement et en capital humain. Être attentif à ce qui nous pousse à fuir et aux conseils du Saint-Esprit nous permet de choisir la meilleure stratégie à adopter en toutes circonstances.
Le puits, lieu des révélations pendant la fuite



Après lui avoir ordonné de retourner vers sa maîtresse, Dieu annonce à Agar qu’elle aura un fils qui s’appellera, Ismaël, car, dit-Il, « l’Éternel t’a entendue dans ta détresse (aniy) » (Gn 16:11). C’est la première occurrence du terme aniy dans les Écritures. Au buisson ardent, l’Éternel dira à Moïse qu’il a vu la détresse (aniy) de son peuple qui est en Égypte et qu’Il a entendu leurs cris (Ex 3:7). C’est donc au puits que l’Éternel se révèle à Agar pour la première fois comme étant Celui qui entend la détresse des opprimé.e.s et qui les voit.
Souvent lorsque nous souffrons depuis longtemps, nous pouvons nous sentir abandonné.e.s, délaissé.e.s et oublié.e.s par Dieu. Nous pensons alors que la situation est sans issue, que rien ne pourra jamais changer et que Dieu ne se souci pas de notre affliction (aniy). pourtant, Agar a été vue et entendue par l’Éternel au milieu de sa détresse (aniy). Il lui dit qu’Il a entendu ses pleurs, et qu’Il a vu sa honte et sa douleur.
Dieu a rencontré Agar dans sa situation, et il a aussi rencontré la femme samaritaine dans sa peine par la personne de Jésus. C’est au puits qu’elle aura cet entretien bouleversant.
Le puits, lieu des rencontres pendant la fuite
C’est là que se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué du voyage, s’assit au bord du puits. Il était environ midi. Une femme samaritaine vint pour puiser de l’eau. Jésus s’adressa à elle :
« S’il te plaît, donne-moi à boire un peu d’eau ».
Jean 4 : 6-7
Dans les temps bibliques (et même de nos jours), les puits étaient des lieux sociopolitiques importants. Ceux et celles qui ont vu le film Lawrence d’Arabie se souviendront des fréquents conflits entourant cette ressource entre les tribus arabes des déserts du Moyen-Orient. Aussi, la Bible dépeint cette réalité lorsqu’il rapporte les récits d’Abraham, d’Isaac et des Philistins qui comblèrent les puits qu’il avait durement creusés pendant leurs nombreuses pérégrinations (Gn 26:15-18).
Autre aspect important environnant les puits : c’est aux jeunes femmes qu’incombe la responsabilité de puiser l’eau des puits pour les besoins des familles. Elles doivent donc marcher, sur de longues distances et porter plusieurs sauts remplis d’eau quotidiennement. Ainsi, la plupart des femmes se rendront à la source le soir, une fois le soleil tombé, afin d’alléger leur labeur.
Aussi, les hommes allaient parfois au puits aux mêmes heures pour courtiser les filles plus librement, sans subir les regards réprobateurs des parents et tuteur.trice.s de celles-ci (Source: Bible Odyssey). D’ailleurs, Jacob et Moïse firent la rencontre de leurs femmes, Rachel et Séphora, à un puits, lorsqu’ils s’étaient arrêtés pendant leur fuite respective pour se restaurer (Gn 29:9-14 ; Ex 2:15-21). C’est aussi au puits que le serviteur d’Abraham rencontra Rebecca qui allait devenir la femme d’Isaac (Gn 24). Or, l’auteur de l’Évangile de Jean nous informe qu’il était près de midi lorsque Jésus vint s’asseoir au bord du puits à l’heure où le soleil est à son zénith. La femme samaritaine ne devait donc pas s’attendre à ce qu’il y ait des personnes à son arrivée. Que cherchait-elle à fuir en allant au puits à l’heure la plus chaude de la journée ? Que cherchait-elle à éviter ?
La réponse se trouve en partie dans sa réplique à Jésus :
« Comment ? Tu es Juif et tu me demandes à boire, à moi qui suis Samaritaine ? » (Les Juifs, en effet, évitaient toutes relations avec les Samaritains).
Jean 4 : 9
Comme elle l’observe avec perspicacité, Jésus n’était pas équipé pour puiser lui-même l’eau du puits (Jn 4:11). S’il avait soif, il devait attendre qu’une personne allant au puits vienne le servir. Toutefois, la réponse de la femme Samaritaine au verset 9 comporte certains sous-entend.
Les inférences de la réponse de la Samaritaine
Il ne peut y avoir de relation entre toi et moi :
En commentaire, l’auteur de l’Évangile de Jean mentionne que les Samaritains et les Juifs n’étaient pas en relation. Ils ne pouvaient pas boire à la même coupe et ils ne pouvaient pas non plus entretenir de relations intimes entre eux. Par ailleurs, la femme Samaritaine, connaissant les tendances des messieurs à courtiser les femmes qui allaient au puits, elle pensait probablement que Jésus avait des intentions peu nobles à son égard. Comme le récit nous l’indique, au cours des années, elle avait eu son lot de déception avec les hommes (Jn 4:18). Elle avait fréquenté cinq hommes, ce qui était inhabituel pour les femmes de cette époque. De plus, elle n’était pas mariée à l’homme avec qui elle habitait maintenant.



Il vaut mieux se méfier :
La Samaritaine était donc sur ses gardes, car ce qui peut nous sembler anodin : « Donne-moi à boire s’il te plaît » pouvait aussi se traduire comme l’introduction à une conversation coquine. En effet, dans le poème du Cantique des cantiques, le jeune homme courtise sa bien-aimée, la Sunamite en lui disant :
Tu es la source des jardins,
un puits d’eau vive
qui coule du Liban !
Cantique des cantiques 4 : 15
Elle était tombée si souvent dans le piège des paroles doucereuses des hommes qui passaient au puits ou au marché, elle ne voulait plus se compromettre en faisant preuve de naïveté à nouveau. Sur la défensive, elle lance : « Toi ! Tu veux de l’eau qui vient de moi ? Une Samaritaine ! Tu ne sais pas à qui tu parles ! » Elle en avait trop vu. On ne la prendrait plus aux belles déclarations et aux jeux de séduction. C’était fini.
Je n’en vaux pas la peine :
« Tu es Juif et tu me demandes à boire à moi, une Samaritaine ? » En d’autres mots : « Toi, le Juif, celui qui ostracise mon peuple depuis des siècles, tu t’abaisses à m’adresser la parole, moi qui ne suis qu’une femme samaritaine ? ». Avant même qu’il ne soit question de sa réputation de femme aux mœurs légères, on palpe le sentiment d’infériorité lié à son ethnie dans sa réponse. Les discriminations raciales et les microagressions répétées à son égard à cause de ses origines auront tôt fait de miner son appréciation personnelle. Sa faible estime aura peut-être même contribué au mauvais choix qu’elle a effectué dans le passé.
Des relations malsaines et des vies brisées
Les histoires d’Agar et de la femme samaritaine se rejoignent dans plusieurs aspects :
- Elles se déroulent dans des lieux similaires : au puits.
- Elles fuient des situations sociales éprouvantes : Agar en tentant de retourner dans son pays natal et la Samaritaine en se cachant de sa communauté.
- Elles y font une rencontre bouleversante : Dieu y rencontre les deux femmes dans leurs détresses communes, des relations conjugales malsaines et des vies brisées.
Ce cycle de relations perverties entre les hommes et les femmes prend naissance dans Genèse 3 verset 16 où on devrait lire :
Je multiplierai (harba) je multiplierai (arbe) la souffrance de tes conceptions (herayon). Dans la douleur tu porteras (teledi) des enfants. Tes désirs (teshuqah) vers ton mari, et lui, il dominera sur toi.
Genèse 3 : 16
Pour une meilleure compréhension de Genèse 3 : 16
Contrairement à la pensée populaire selon laquelle Dieu aurait condamné la femme en augmentant les douleurs de l’accouchement, le texte hébraïque nous révèle en fait que
1. Dieu n’a pas maudit la femme:
Au verset 16, Dieu indique à Adam et Ève que la conséquence de leur désobéissance résultera dans la multiplication de la difficulté à concevoir des enfants. En effet, la première occurrence du verbe « rabah » se trouve dans Genèse 1 verset 22, lorsque l’Éternel bénit la création en lui ordonnant de se multiplier (rabah) et de se reproduire. Il bénira ensuite l’homme et la femme en utilisant le même verbe rabah. Ainsi, c’est en référence à cette bénédiction que Dieu leur annonce qu’ils se reproduiront avec difficulté. C’est donc le processus de multiplication qui est compromis et non l’accouchement qui est entravé. D’ailleurs, c’est par erreur que les traducteur.trice.s ont compris que yaled, (dans sa forme fléchie teledi) faisait référence à l’action d’accoucher plutôt qu’au fait de porter un enfant, et par conséquent de le concevoir. Cette nouvelle lecture s’harmonise parfaitement avec le reste du verset qui mentionne que les désirs de la femme se porteront vers son mari et qu’il dominera sur elle. En conséquence, alors que la femme voudra concevoir une progéniture dans l’amour, l’homme abusera de son pouvoir sur elle. De plus, la bénédiction de Dieu envers l’humanité (Gn 1:28) est garante de la relation de proximité entre l’homme et la femme. Il n’y a pas de multiplication sans relation. Ainsi, la reproduction est compromise dès lors qu’il y a mésentente entre les sexes.
2. L’ordre des relations homme-femme est ébranlé :
Le plan original de Dieu était de voir l’homme et la femme gouverner ensemble sur la création. Il n’était pas question que l’homme domine sur la femme ou qu’il l’exploite pour son intérêt personnel. Toutefois, les conséquences de la désobéissance d’Adam et d’Ève ont brisé l’intimité et la confiance mutuelles qu’ils partageaient avant la chute. Ils sont devenus étrangers l’un de l’autre, ne sachant plus comment se comporter vis-à-vis de l’un envers l’autre. À la première occasion, Adam déverse le blâme sur Ève pour ce qui s’est produit, cherchant à se dissocier complètement de sa propre chair et en lui jetant le discrédit. Ève n’est plus la chair de sa chair ni l’os de ses os, elle est à présent « la femme qui a été mise à mes côtés et dont je n’ai rien à faire ».
C’est malheureusement ainsi que les femmes sont souvent perçues dans la société, dans les institutions, dans les familles et dans les couples : comme une nuisance, une source de soucis ou comme une présence qu’on doit gérer et dont on préférait se débarrasser. Ce phénomène vous est-il familier ?
C’est un autre point qu’Agar et la Samaritaine avaient en commun : au-delà de leurs origines étrangères, elles étaient toutes perçues comme des parias. Des parasites dont on voulait se désencombrer ou des personnes avec qui on ne souhaitait pas être associée. Ainsi, depuis la chute, les femmes subissent toutes sortes de violences physiques et de détresses (aniy) psychologiques ou spirituelles principalement en raison des rapports déséquilibrés qu’elles entretiennent avec les hommes. Agar a été opprimée par Sarah à cause du mépris dont elle a fait preuve envers sa maîtresse lorsqu’elle a cru qu’elle pourrait se hisser au rang de matriarche dans la maison d’Abraham. Celui-ci l’avait pris comme concubine sous le conseil malavisé de sa femme Sarah (Gn 16:1-6). De son côté, la femme samaritaine a été stigmatisée par sa communauté pour avoir multiplié les conquêtes amoureuses en présumant que ses hommes pouvaient désaltérer son désir (teshuqah) d’être aimé et de concevoir (herayon).
Le puits, lieu de restauration pendant la fuite
Dans nos versions traduites de la Bible, nous perdons malheureusement toute la poésie des textes originaux ainsi que l’adresse dont les auteurs ont fait preuve dans la transmission des messages. Ainsi, le mot hébreu traduit par source d’eau est « ayin » qu’on utilise aussi pour œil. « Beer » et « ayin » sont employés de façon interchangeable dans les Écritures pour désigner un puits. Mais au chapitre 16, l’auteur recourt à la fois « beer » et « ayin » (Gn 16:7) afin de faire écho aux paroles d’Agar « À cet endroit (à l’œil) : “j’ai vu le Dieu qui me voit” ». Par ailleurs, « ayin » (puits ou œil) est l’anagramme de « aniy » (détresse) c’est-à-dire que les deux mots partagent les mêmes lettres. En repérant ces mots-clés, on peut comprendre : « Au puits ou à l’œil (ayin), l’Éternel voit (roï) la détresse (aniy) ».



Mais l’Éternel ne fait pas que voir et entendre la détresse des siens. Il les console et Il les restaure aussi pendant la fuite. Ainsi, il rassure Agar et rétablit son âme en l’incluant dans les projets qu’Il avait conçus pour Abraham. C’est pourquoi Agar devait cesser de fuir et faire face à sa maîtresse afin que le fils qu’elle mettrait au monde soit reconnu par son père et qu’il soit circoncis (Gn 17:23-27). Cet acte symbolique préfigure l’adhésion de toutes les nations à la promesse du salut en Jésus-Christ. Il rassemble toute la descendance d’Abraham sous le même signe premièrement dans la chair puis, par la mort de Jésus, par la foi (Gal 3:14). Agar qui n’avait ni famille ni personne pour la recueillir se voit promettre une descendance nombreuse (Gn 16:10) et c’est par la promesse que l’Éternel a faite à Abraham qu’elle sera bénie. Le Bible ne nous dit pas si elle a vécu pour voir naître les douze fils Ismaël (Gn 25:12-18). Cependant, nous voulons croire que dans Sa fidélité, Dieu lui aura permis de participer pleinement à cette nouvelle famille.
Une source qui jaillit jusque dans la vie éternelle
Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif. Bien plus : l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source intarissable qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
Jean 4 : 14
Dans le verset que nous avons vu plus tôt, le jeune homme courtise la Sunamite en lui disant qu’elle est une source d’eau vive qui coule du Liban. Jésus, promets à la Samaritaine qu’elle deviendra une source d’eau intarissable qui jaillira jusque dans la vie éternelle.
De plus, Jésus lui révèle qu’il connait sa vie en exposant des faits personnels qui assombrissaient sa réputation, qui nuisait à sa vie et à son bonheur. Jésus connaissait tous les chemins qu’elle avait parcourus, toutes les blessures qu’elle avait subies, et toutes ses attentes déçues. Il connaissait les désirs de son cœur et toute l’énergie qu’elle avait gaspillée à les rechercher.
En somme, il formule la promesse que si elle s’abreuve auprès de Lui, ses désirs (teshuqah) ne seront plus jamais frustrés par des hommes, car elle sera pour toujours désaltérée par l’amour de Dieu. Jésus ne lui dit pas qu’elle n’aura plus besoin d’un mari, puisqu’il lui demande d’aller chercher son mari et de revenir avec lui (Jn 4:16). Mais il lui dit qu’elle n’a plus à perdre son temps à nouer des relations malsaines, à se laisser manipuler, ni à user de ruse pour être aimé. Il lui dit que la vie éternelle se trouve en lui, qui est le Sauveur du monde. Aussi, il lui montre la voie de la consolation par excellence qui est l’adoration. C’est en adorant Dieu que nous sommes en mesure d’expérimenter son intimité et son amour. L’adoration est l’un des langages d’amour qu’Il nous a donné.
À cet instant, la Samaritaine cessa elle aussi de fuir et de se cacher. Elle déposa sa cruche et se précipita au village pour expliquer aux habitant.e.s ce qui venait de se passer. Là-dessus, ils sortirent de la ville et vinrent vers lui (Jn 4:28-29). Celle qui évitait les hommes et les femmes de sa communauté s’exposa au grand jour grâce à cette eau qui jaillissait abondamment en elle et qu’elle souhaitait partager avec autrui.
Plus besoin de fuir lorsque nous sommes entendues, vues et connues de Dieu
Agar et la femme samaritaine ont été entendues, vues, et connues de Dieu. Elles ont retrouvé le chemin qui les amènerait au bonheur en s’attachant aux paroles qui leur avaient été transmises par Dieu. Par son intervention aux puits et ensuite à la croix, l’Éternel a restauré les conséquences de la désobéissance d’Adam et Ève qui altéraient les relations entre les hommes et les femmes :
- Il a facilité la multiplication de la descendance d’Abraham par Agar, ce qui a permis à Agar de faire partie d’une famille.
- Il a assouvi les désirs de la Samaritaine en lui montrant qu’Il la connaissait vraiment et qu’Il savait ce qu’elle recherchait.
- Nous n’avons plus à vivre comme des êtres déchus. En Jésus-Christ nous pouvons expérimenter des vies et des relations hommes-femmes, restaurées et équilibrées en toute harmonie.
Récapitulatif de la deuxième partie et contexte d’application
Dans cet article nous avons vu que
- les puits étaient des lieux sociopolitiques importants ainsi qu’un site de rencontres amoureuses et divines dans les bibliques ;
- depuis les temps anciens, c’est aux jeunes femmes qu’incombe la responsabilité d’aller puiser l’eau pour les besoins de leur maisonnée ;
- les puits se trouvent souvent sur la trajectoire des personnes en fuite. Il favorise donc les réflexions et les remises en question ;
- dans la fuite, nous devons nous demander ce qui nous a amené à la situation qui nous pousse à fuir et comment nous comptons nous en sortir ;
- nous devons parfois faire preuve d’humilité, rebrousser chemin, subir les conséquences de nos choix plutôt que de s’entêter à fuir ;
- La fuite est une réponse comportementale de survie et de préservation. Il n’est pas mauvais de fuir, seulement, nous ne devrions pas y recourir à tout prix, afin d’éviter d’affronter les circonstances difficiles de la vie ;
- Dieu nous voit et nous entend lorsque nous sommes dans l’affliction ;
- Dieu nous console et nous restaure au milieu de nos détresses ;
- Dieu nous connait et désaltère perpétuellement notre soif à Sa source ;
- Dieu rétablit les relations entre les hommes et les femmes. Il restaure les vies brisées.
Dans l’affliction, je t’exhorte à te rendre au puits de la vie éternelle en la personne de Jésus-Christ et de t’y abreuver afin d’être complètement rassasié.e. Adore Dieu en esprit et en vérité pour reprendre courage dans une intime relation renouvelée avec Lui.
Références
- La Sainte Bible
- The Bible Project Podcast
- Biblia Hebraica Stuttgartensia (BHS)
- Bible Odyssey
- Bible Atlas
- La Bible en récits : l’exégèse à l’heure du lecteur
- La Genèse et les voyages des patriarches
Journée internationale de la femme 2022
En ce 8 mars 2022, j’aimerais formuler une prière spéciale pour les femmes en exile :
« Papa, je te remercie de t’être révélé à Agar comme étant le Dieu qui nous voit. Tu t’es montré à elle lorsqu’elle s’enfuyait d’une situation d’extrême désespoir, d’abus et de violence. Je sais que Tu es le même hier, aujourd’hui et éternellement et que tes yeux sont encore portés vers tes filles. J’élève aujourd’hui la voix vers Toi pour intercéder pour ses milliers de femmes qui cherchent refuge en pays étranger. Elles fuient la guerre, l’exploitation sexuelle, le trafic humain, la domination religieuse, l’injustice, l’ostracisation, la pauvreté, les violences conjugales et familiales. Elles sont des mères, des filles, des sœurs, des tantes, des épouses, des collègues, des amies. Elles sont parfois seules, rejetées ou opprimées et vivent de grandes injustices à cause de leurs origines, de leur statut social, de leurs couleurs de peau, de leurs religions ou de leur manque d’éducation. Tu les connais par leurs prénoms. Elles sont les filles de Sarah, d’Agar et de la femme Samaritaines qui crient leur douleur vers Toi. Je sais que tu entends leurs détresses. Je te prie, Père, de les accueillir auprès de Toi et de faciliter leurs déplacements en terres inconnues. Accorde-les ta protection et veille à ce qu’aucun mal ne les atteigne. Au nom de Ton Fils Jésus, je t’ai prié ainsi. Amen ! »



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